Le choix du montage d’un cordier sur un violoncelle, donne des résultats sonores bien différents.
Il peut affecter l’égalité ou la richesse du timbre, tout autant que la facilité d’émission sonore.
Comprendre la contribution du cordier à la sonorité globale est le premier objectif de cette étude, et en conséquence, il permet d’offrir au luthier une aide pour le choix du montage, et optimiser l’instrument.
Nous avons comparé plusieurs montages, en ne changeant que la nature du bois du cordier.
Après une étude qualitative de la perception sonore de l’instrument, nous avons cherché un lien avec des mesures acoustiques.
L’enregistrement d’une gamme pour chaque montage-cordier a permis l’étude de l’enveloppe temporelle, du spectre sonore de l’instrument, et du spectre des vibrations du cordier.
Enfin l’analyse modale de chaque cordier a permis de préciser le comportement mécanique de leurs résonances propres, ainsi que les valeurs des marqueurs dynamiques que sont le Module d’élasticité et le facteur de Qualité lié à l’Amortissement sonore.
Des corrélations sont apparues entre le classement perceptif sonore de ces montages, et les qualités mécaniques des essences de bois employées.
Le choix du cordier, fait par le luthier, peut être ainsi guidé en utilisant l’étude préalable de ses propriétés.
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Introduction
L’étude perceptive de 8 montages-cordier successifs, sur un Cello de Mittenwald, permet de découvrir des différences sonores, dues uniquement au changement de matière du cordier.
La mise en action de la corde par l’archet, est d’abord communiquée au chevalet, dont les pieds transmettent les vibrations au corps de l’instrument. Le corps et la table vont alors émettre un son audible.
La vibration des cordes est également communiquée au corps de l’instrument par le sillet du bas, en traversant le cordier. La taille de ce dernier est insuffisante pour émettre un son, mais il va filtrer les vibrations transmises, et ainsi contribuer à la sonorité globale de l’instrument.
Dans l’étude acoustique présentée ici, chaque montage a été enregistré sur deux canaux :
- une prise de son par microphone, témoignant du son perçu par nos oreilles,
- une seconde voie, par un accéléromètre placé sur le cordier, qui a enregistré les vibrations qui l’ont traversé.
L’enveloppe temporelle, est la courbe d’amplitude des notes d’une gamme jouée. Elle montre une inégalité des amplitudes sonores d’une note à la suivante dans un même montage, mais aussi d’autres inégalités, pour la même note, d’un montage-cordier à l’autre.
A l’écoute, ces différences ne sont pas perçues comme des variations de puissance, mais comme des changements de timbre.
L’analyse spectrographique permet de décomposer chaque note dans ses composants harmoniques,
avec le sonagramme, puis le spectrogramme.
L’étude de la prise de son aérienne, par microphone, ne montre pas beaucoup de différences entre les différents montages. Nous nous sommes intéressés particulièrement à l’autre voie enregistrée avec l’accéléromètre, celle des vibrations du cordier.
En effet, sur tout le spectre joué, les courbes mettent en évidence des bandes de fréquences presque muettes, et d’autres bandes à l’amplitude renforcée.
Certains montages présentent des bandes très inégales, d’autres cordiers sont beaucoup plus réguliers.
L’ampleur et le nombre de ces bandes, est corrélé à la qualité sonore perçue de l’instrument :
plus il y a de bandes « muettes », et moins le montage de ce cordier est apprécié à l’audition .
Les fréquences « renforcées », sont souvent les mêmes pour tout l’ambitus d’un montage donné, et suggèrent leur couplage (une résonance par sympathie) avec des modes de résonance propre du corps de violoncelle, mais aussi du cordier. Nous avons donc étudié l’influence possible de ces modes sur la sonorité.
L’analyse modale
Tout objet,… ici le cordier, réagit à des fréquences de résonance préférentielles, il a une « signature modale » propre.
Il peut entrer en résonance par sympathie lorsque une note correspondante est jouée, et interagir avec elle.
Ainsi, la transmission vibratoire entre deux objets, comme ici entre le cordier et la caisse de résonance, peut être filtrée, altérée ou amplifiée par ce couplage.
Pour chaque montage étudié, nous avons déterminé les modes de résonance de chaque cordier dans trois situations : comme un objet individuel (Libre-Libre), puis comme un objet connecté, en tension comme sur un Cello muet, sur un « corps mort », dépourvu de caisse de résonance, et enfin, monté sur le violoncelle étudié.
On constate que les premiers pics de résonance d’un cordier correspondent aux mêmes bandes de fréquences renforcées sur le sonagramme et sur le spectrogramme. A l’inverse, les creux d’amplitude entre ces pics de résonance, correspondent à des bandes de vibration diminuées du spectrogramme.
Il existe donc une corrélation entre les fréquences propres du cordier, et le résultat sonore.
Plus les pics de résonance du cordier sont puissants et bien séparés, et plus le spectre d’émission sonore sera inégal (exemple fréquent, le cordier en buis).
Plus les pics du cordier sont nombreux, dédoublés, inégaux, peu puissants, et plus le spectre d’émission sonore sera régulier, et apprécié.
Cette étude peut être un socle de départ vers d’autres projets .
-Quel matériau pour un cordier ? quelles sont les qualités idéales requises pour ce filtre acoustique.
-Quelle est l’influence du montage : longueur, type et géométrie des matériaux d’attache, qui eux aussi, modifient les qualités vibratoires transmises par le cordier.
-Pouvons-nous mieux comprendre l’évolution historique de cet accessoire, au cours des modifications organologiques, technologiques, et d’évolution des gouts musicaux ?
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